La lettre à Anna


Samuel, un jeune violoniste, hante le Paris des années folles. Il a le swing dans le sang.
Avec Anna, une pianiste, sa compagne, ils partent en tournée. C’est la gloire.
Sa vie paraît toute tracée et comme réglée sur du papier à musique : elle aura la forme d’un violon et il la traversera en smoking.
Mais c’est sans compter sur l’Histoire et ses fausses notes. Raflé durant l’Occupation, comme tant d’autres, c’est armé de son instrument et de son seul archet qu’il va devoir aller jusqu’au bout de l’enfer.
De ce voyage naîtra une oeuvre, l’oeuvre ultime, la plus intime qui puisse être : La lettre à Anna.
Après tant de mots et d’images qui ont tenté d’évoquer l’inexprimable, le bref récit de Didier Goupil résonne comme un point d’orgue. À mesure, la blancheur envahit les pages, comme la neige et les cendres, là-bas, ont enseveli les morts.


 

Extrait

«  Demain, il jouerait. Demain, il vivrait. Déjà, rien qu’à l’idée de ne pas sortir le lendemain, il se sentit ranimé d’une nouvelle énergie, et il éprouva tout à coup dans son ventre une intense chaleur intérieure.

D’autant que son bienfaiteur, sans doute encouragé par la bonne humeur générale, faisait plus que ce qu’il avait promis.

La partie terminée, à moitié ivre, il lui coupa les cheveux, le rasa de près, puis lui commanda de se laver dans une écuelle, posée sur le sol, et de se présenter le lendemain à l’aube.

Demain, propre, rasé, et enfin débarrassé de son infâme pyjama à rayures, Samuel jouerait pour ses bourreaux.

Il jouerait demain pour ses bourreaux, comme autrefois il avait joué pour les bourgeois.

De toutes façons, avant de devenir un instrument de soliste, le violon avait longtemps été un instrument de larbin, et il n’était finalement pas si étonnant qu’en ces étranges circonstances il le soit aussi rapidement redevenu.

Seulement, si jusqu’à présent Samuel avait joué pour gagner sa vie, maintenant c’est pour la sauver qu’il devait le faire. »


Didier Goupil             didier.goupil1@orange.fr            06.63.90.47.98