Les Tiroirs de Visconti


Dans la presse

Le roman de Goupil

Le drôle de roman d’un esthète insolite qui fascine de bout en bout.

Dans ce roman – mais en est-ce bien un ? – difficile de dire ce qui importe le plus, le cadre ou les personnages. Le contenant ou le contenu.

D’abord, le décor. Une ancienne maison bourgeoise, sur la place d’une bourgade girondine. Altière, agrémentée d’un jardin de curé. L’intérieur, une véritable caverne d’Ali Baba où sacré et profane se marient, se confrontent, se complètent. Chasubles brodées d’or, candélabres de cristal. Mobilier de style rapporté de chez les meilleurs antiquaires. Gravures et tableaux, oiseaux naturalisés qu’on dirait prêts à prendre leur envol. Fantaisie, raffi- nement. Dilection pour l’insolite. Chaque pièce a sa fonction et son atmosphère propres. Didier Goupil y entraîne son lecteur, détaillant avec gourmandise les trésors découverts au fur et à mesure d’une promenade qui n’omet aucune pièce, aucun recoin. Jusqu’à la salle de bain, délicieusement baroque, dont la fonction est de marier, avec le calme, le luxe et la volupté. Et puis, un peu partout, des livres. Sulfureux, souvent, Duvert, Matzneff, Apollinaire. Revêtus de cuirs somptueux, imprimés sur les papiers les plus précieux. Rien de gratuit dans ces descriptions minutieuses. Elles vont permettre de découvrir peu à peu celui qui sert de cicérone, le maître de céans. Un esthète aussi original et mystérieux que la demeure qu’il a faite sienne, aménagée selon ses passions les plus intimes. À laquelle, en définitive, il a fini par ressembler. Le récit, dépourvu de toute intrigue autre que l’enchaînement de ses confidences, prend des allures d’investigation psychanalytique, sans la lourdeur inhérente à la chose. Le lecteur est pris par le personnage qui se dévoile peu à peu. Par les plongées dans le passé que suscite telle page d’un livre saisi au hasard sur un rayon de bibliothèque, tel bibelot de prix évocateur d’un épisode de son existence. Rien de plus ? Rien de plus. Pourtant, le livre entamé, on ne le lâche plus. C’est sans doute cela, le talent.

Jacques Aboucaya, Salon Littéraire, 2013

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Roman étonnant que celui de Didier Goupil qui par la description d’un intérieur révèle peu à peu, comme le ferait un papier photographique trempé dans un bac, la personnalité de Paul M. qui porte des vestes Arnys dont la qualité du tissu et de la coupe est essentielle : « Paul M. ne portait que des vestes Arnys.
 Avec le temps, c’était devenu comme une seconde peau et il avait pris l’habitude de porter une veste tout au long de la journée, qu’il soit dehors ou bien chez lui. »

Paul M. est très indépendant et se méfie de tout le monde sauf de sa chatte Dee Dee : « À force de vivre avec elle, je me suis aperçu à quel point je lui ressemblais. Comme elle, je suis un solitaire qui tient farouchement à son indépendance. Je n’aime pas qu’on me dérange, que les choses bougent autour de moi. Je me méfie des étrangers, des visiteurs, et, je vous le dis comme je le pense, ne vous formalisez donc pas, je ne me livre jamais aux gens que je ne connais pas.« 

Le narrateur interroge Paul M. et le dialogue se poursuit tout au long du roman qui s’achève sur un éclairage surprenant et cohérent. Les réponses de Paul M. et son point de vue apparaissent toujours entre guillemets ce qui nous permet de suivre ces échanges érudits et enrichissants où le temps semble s’être arrêté. Pas de rebondissements mais un cheminement et du suspense sur l’issue du roman. On ne s’ennuie jamais au fil des pages qui excitent notre curiosité face à un personnage complexe, difficile à cerner.

Beaucoup d’érudition et d’anecdotes sur des écrivains, des cinéastes, des couturiers, des personnalités connues, des monuments de Paris… qui sont autant d’indices pour comprendre qui est ce Paul M. qui nous raconte sa vie. Les objets qui l’entourent, l’agencement des pièces révèlent aussi son fonctionnement : « Paul M. ne savait pas résister à la tentation. C’était un vrai collectionneur qui collectionnait tout ce qu’il est possible de collectionner. Les livres, les timbres, les tableaux, bien sûr, mais également les parapluies, les chasubles et les photographies de famille. Les assiettes, les lettres manuscrites ou les montres à gousset. »

Ce roman est aussi une exploration des collections. Que révèlent les collections que l’on réalise ? Images qu’il collait sur des feuilles blanches avant de les ranger ensuite dans de grands classeurs.
 « C’était mon monde. Mon premier musée. »

C’est un roman très réussi. L’écriture est un vrai bonheur de lecture érudite et chargée de poésie et de douceur. On apprend beaucoup sur différentes personnes connues, sur des évènements qui ont eu lieu et sur la manière dont chacun peut construire ou inventer sa vie : « Croyez-moi, la vie ne vaut d’être vécue que si l’on en fait une fiction. « 
Un roman qui nous renvoie à réfléchir sur notre propre conception de la vie.

Brigitte Aubonnet, Encres Vagabondes, septembre 2013


Didier Goupil             didier.goupil1@orange.fr            06.63.90.47.98